vendredi 14 janvier 2011

Obligation convertible Chargeurs : un bon film ?

Chargeurs est une valeur méconnue qui a vu son cours toucher les abysses avec la crise et a émis des obligations convertibles en 2010 pour récupérer un peu d'argent frais.

L'émission a été un succès avec presque 180% de taux de souscription.

Je vais d'abord analyser l'action Chargeurs (CRI), puis son obligation convertible (YCRI).J'étais investis sur l'action et j'ai tout basculé sur l'obligation convertible car elle était sous valorisée par rapport à l'action.

Un groupe mondial sur des niches industrielles et de services

Voici la présentation Boursorama :
Chargeurs est spécialisé dans le développement et la fabrication de produits textiles et de protection de surfaces. Le CA par famille de produits se répartit comme suit :
- entoilages (36,7%) : entoilages tissés et non-tissés pour l'habillement et textiles techniques ;
- peignés de laine (31,8%) : à destination des filateurs ;
- films de protection temporaire de surfaces (31,5%) : films auto-adhésifs destinés aux secteurs du bâtiment, de l'électroménager et de l'automobile.
La répartition géographique du CA est la suivante : France (6,2%), Italie (16,9%), Allemagne (9,4%), Europe (14,6%), Chine (21,2%), Etats-Unis (9%), Amériques (7,7%) et autres (15%).


L'actionnariat

Selon Boursorama :

au 30.06.2010
Nombre
d'actions
% du
capital*
% des droits
de vote
Sociétés contrôlées par Jérôme Seydoux
2.776.376
22,6%
22,5%
Sociétés contrôlées par Eduardo Malone
662.358
5,4%
5,4%
The Baupost Group (*)
1.245.371
10,1%
10,1%
Financière de l'Echiquier
1.208.800
9,8%
9,8%
HMG Finance
454.368
3,7%
3,7%

Un grand groupe (Pathé, avec Seydoux) tient une belle part du capital et agit de concert avec le PDG de Chargeurs, Malone (5,4% du capital). Deux fonds sont également présents.

On apprend que récemment, Pathé s'est un peu désengagée de Chargeurs et ne possède plus que 13,5% du capital après que Seydoux ait démissionné de l'entreprise quelques mois auparavant. Natixis prend quasiment 8% du capital à la même époque.

Des dividendes coupés avec la crise




0,65 €
2007


0,65 €
2006


1,20 €
2004


1,00 €
2003


1,00 €
2002


1,00 €
2001


0,71 €
2000


0,71 €
1999



Un cours au plancher !

Chargeurs cote 5,25€ aujourd'hui. Le cours est divisé par cinq en cinq années ! Les volumes étaient anémiques et ils deviennent élevés avec un cours bas.
Analyse de l'action Chargeurs

L'évolution des dividendes et du cours laissent penser que la situation financière est devenue catastrophique depuis 2008 et qu'elle n'a pas progressé positivement de nos jours.

Je vais donc remonter aux chiffres de 2007 pour comprendre la valorisation de l'entreprise avant crise, puis je vais regarder ceux de la période 2008-2009 pour voir la dimension du gouffre creusé par la crise et en dernier lieu ceux de 2010 pour voir si l'entreprise surmonte ces difficultés. Vous connaissez mes supports : le rapport annuel de 2009 et celui de 2008.

Pour rappel, le cours actuel est de 5,25€, ce qui nous donne une capitalisation boursière de 67 millions d'euros. L'actionnaire sera dilué avec l'exercice des obligations convertibles (émissions de nouvelles actions).

Le chiffre d'affaire est en chute libre : 790M€ en 2007, puis 600M€ en 2008 et 452M€ en 2009.
Le résultat net ne se porte pas mieux : 15M€ en 2007, -60M€ en 2008 et -46M€ en 2009. L'entreprise est déficitaire depuis plusieurs années.

Le bilan nous confirme la cure d'amaigrissement subie par Chargeurs, le total actif/passif se réduit rapidement : 734M€ en 2007, puis 590M€ en 2008 et 510M€ en 2009. La dette augmente et les capitaux propres diminuent.. Certaines dettes court terme deviennent des dettes long terme, l'entreprise repousse ces échéances pour probablement mieux y faire face.

Les capitaux propres s'élèvent à 136M€ en 2009, ce qui nous laisse une décote par rapport à la capitalisation boursière de 67M€, mais à quel prix ?

La trésorerie a quasiment été divisé par deux entre 2007 et 2008. Elle est de 56M€ et est restée stable de 2008 à 2009. Cette trésorerie nous offre un "beau" matelas car elle couvre presque la capitalisation boursière...

Avec tout ces chiffres, nous comprenons mieux la déconfiture boursière de l'entreprise et sont besoin de trouver des capitaux pour redresser la situation en 2010 (40M€).

Les dernières communications de l'entreprise nous apportent quelques éléments : résultats du premier semestre 2010, lettre aux actionnaires et information financière troisième trimestre 2010.

Le chiffre d'affaire rebondit de 13% au premier semestre et le résultat net redevient positif avec 7M€. Le plus dur de la crise semble être derrière et la restructuration commence à porter ses fruits.

L'endettement se réduit et 20% des obligations convertibles ont été converties en actions.

Bilan sur l'action Chargeurs

L'entreprise a connu des années très difficile et vient de redresser la situation. Nous ne savons pas si ce sera pérenne. Ce rétablissement repose sur trois facteurs : restructuration de l'entreprise, hausse des commandes/de la demande et hausse des matières premières (laine, polyéthylène...). Nous pouvons "surveiller" les deux derniers critères.

Si on croit que la crise est derrière nous, l'action Chargeurs est une valeur très intéressante : capitaux propres à moitié prix, trésorerie quasiment égale à la capitalisation boursière et résultat net avec un rendement de 20%. Ces chiffres sont intéressants si on met de coté la dilution par la conversion des obligations! Les obligataires pourraient récupérer (ou confisquer...) jusqu'à la moitié du capital... De quoi pondérer notre optimisme !

Dans le cas contraire, passez votre chemin. Quelque soit votre conviction sur la situation économique, cet achat est très spéculatif, n'oubliez pas les chiffres de 2007-2009, l'entreprise ne résistera pas de longues années aux déficits !

Présentation de l'obligation convertible Chargeurs

Chargeurs a émis des obligations convertibles le 15 avril 2010. Les actionnaires avaient un droit de souscription (souscription à titre irréductible). Le public pouvait également y souscrire en achetant des droits de souscription ou en souscrivant à titre réductible. J'ai donné la motivation de cette émission précédemment.

Voici les documents de référence : prospectus de l'émission et résumé du prospectus.

Caractéristiques
Cours : 130€,
Nominal : 55€,
Début de cotation : 15 avril 2010,
Remboursement : 1 janvier 2016,
Rémunération : 6,06 actions à la date de remboursement, et prorata temporis sur remboursement anticipé,
Clause de remboursement anticipé : à partir de janvier 2012, remboursement au pair si l'action cote plus 6€ 10 jours ou s'il reste 10% des obligations en circulation,
Conversion : 1 obligation pour 27 actions à tout moment.

Analyse de l'obligation convertible

Cette obligation est totalement liée au sort de l'action et de l'entreprise. Le risque est fort.
Elle cote plus de deux fois le nominal, il faut donc surveiller les clauses de remboursement anticipé pour ne pas perdre son investissement (remboursement anticipé au nominal).
Il ne faut pas viser un remboursement à l'échéance, mais il faut plutôt le voir comme un petit matelas (55 euros c'est mieux que rien !) car si l'entreprise fait faillite il ne servira à rien.

Aujourd'hui l'obligation vaut 27,8 actions. Au cours de l'action de 5,25€, l'obligation est valorisée à 146€. Nous pouvons penser pouvoir "gagner" facilement en achetant une obligation et en la convertissant en action, le gain serait de 12%.

Attention cependant à la liquidité de l'obligation qui est très faible. Celle de l'action est correcte. Il faut aussi tenir compte du délai de conversion et de livraison des titres (votre courtier). Ainsi, la volatilité de l'action est très importante pour faire ce choix.

Bilan sur l'obligation convertible Chargeurs

Ce titre est assez complexe à aborder. Le bilan est assez mitigé car l'entreprise a connu des pertes importantes et n'est pas à l'abri d'en faire de nouvelles sans conséquences bien que la situation soit redressée.

Cette obligation offre une alternative intéressante par rapport à l'action (même "sous-jacent" et en plus on est rémunéré) mais avec une liquidité faible et des clauses de remboursement mesquines. Les investisseurs actifs s'amuseront à jouer et à faire de nombreux arbitrage selon les décotes...

A surveiller (santé de l'entreprise et prix/valeur de l'obligation).

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